03/05/2016
Mai 1936, mai 2016 : rien à voir. Et pourtant...
...un point commun, l'aveuglement de la droite :
François Hollande célèbre les 80 ans de mai 1936 en déclarant qu'aujourd'hui, "la gauche" c'est la loi El Khomri. La gauche de quoi ? Pas la gauche de 1936... Au bilan social du Front populaire, il y eut les conventions collectives, la semaine de 40 heures et les congés payés. Au bilan de Hollande, il y a les cadeaux au Medef (sans résultats réels) et la réforme en cours du code du travail : réforme visant – comme le dit Hollande* – "non à générer tout de suite des emplois" mais à "poser un modèle social" ; modèle qui tend à dissoudre la protection des salariés – et à avaliser l'arbitraire des managers...
C'est l'amorce d'un retour au capitalisme libéral des origines. À ceci près que le turbo-capitalisme financiarisé du XXIe siècle est une nécrose de l'économie, comme l'expliquent les trois jeunes économistes de notre note d'hier. Quant au lucre délirant des grands managers, il est inédit même par rapport au capitalisme manchestérien : les 15 millions d'euros de M. Ghosn cumulant deux salaires de plein-temps (et son conseil d'administration faisant un bras d'honneur aux actionnaires)... L'auto-augmentation de 65 % de M. de Juniac (sans autre mérite que d'avoir supprimé 5000 emplois)... Les 11,5 millions de M. Bompard, octroyés pour une performance exclusivement boursière alors que les résultats nets de l'entreprise piétinaient à bas niveau...
Mai 2016 n'a donc rien à voir avec mai 1936. Sauf sur un seul point : l'aveuglement de la droite. En 1936 ses polémistes invectivaient les "salopards en casquette" et les "femmes en cheveux", forcément avant-garde de l'Armée Rouge. Aujourd'hui la droite s'obstine à croire que le pays gémit sous une "dictature socialiste" ; elle n'ose plus dire "socialo-communiste" mais l'idée est dans les têtes, on n'a pas envie de renoncer à l'Epouvantail... Même les leaders de l'ex-UMP (Juppé, Sarkozy, maintenant Fillon) font semblant de croire que le problème est "le socialisme", et que, pour y faire face, la bonne tactique est l'ultra-libéralisme. Ainsi les nouvelles propositions de Fillon, encore plus gattaziennes que la loi El Khomri révisée Macron : encore plus d'arbitraire managérial, encore moins de protection sociale. Et rien pour les classes moyennes.
Les classes moyennes sont en voie de prolétarisation sous l'impact du modèle économique actuel, et c'est de leur côté que se préparent les futures convulsions. Mais n'essayez pas de le dire à la droite : persuadée que les colères du pays sont dirigées contre "le socialisme", elle en déduit que la victoire de 2017 ira à la plus forte enchère d'ultra-libéralisme.
Qu'elle continue sur cette voie, et elle donnera à François Hollande l'allure d'un moindre mal.
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* France Inter, 19 février.
12:26 Publié dans Histoire, Idées, Politique | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : politique
Commentaires
LA MISE
> Pour 2017, les politiciens n'ont pas à convaincre une majorité de Français : ils comptent sur l'effet vote anti FN au second tour. En tablant sur l'abstention et sur le succès de Marine, s'assurer le vote effectif de 10% d'électeurs au 1er tour leur suffit. Ils ne jouent donc plus que sur l'égoïsme des riches.
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Écrit par : Guadet / | 03/05/2016
XIXe
> Les socialistes des premiers temps doivent s'en retourner dans leur tombe, eux qui, à la différence des socialistes actuels, n'hésitaient pas à se réclamer de l'Évangile. La nostalgie du 19ème siècle, nocive sur la plupart des sujets, serait plus qu'utile dans ce cas précis.
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Écrit par : Marie / | 03/05/2016
@ Guadet
> Ils feraient bien de se méfier que la "blague" autrichienne ne débarque en France...
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Écrit par : franz / | 06/05/2016
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